« Pourquoi pleures-tu ?
Qui cherches-tu ? »
Des personnes éprouvées par la souffrance psychique ou liée à un état dépressif se sont retrouvées pour échanger sur le passage de l’évangile selon saint Jean où Marie-Madeleine rencontre Jésus Ressuscité. Echos des partages…
Nous étions 16 personnes du groupe Amitié Espérance d’Eaubonne pour célébrer la Pâques en union avec les amis absents ce jour-là. Après avoir entendu le passage de l’évangile de Jean (Voir encadré), nous le laissons résonner de façon libre, avec, si besoin, les quelques pistes suivantes :
- « Je ne sais pas où est Jésus » Qu’en est-il pour moi dans ma vie ?
- « Elle aperçoit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était Jésus » Et moi, est-ce que je le reconnais dans ceux que je rencontre, dans ma vie ?
- « Qui cherches-tu ? » Et moi dans ma vie, qui est-ce que je cherche vraiment ?
- « Va trouver mes frères » Et moi, est-ce que je suis témoins de Jésus dans ma vie ?
Échos des partages
- Chez moi, j’ai plusieurs bibles. J’ai vu que la phrase « Ne me retiens pas, … » peut être traduite pas « Ne me touche pas, … » Que faut-il comprendre ?
- En effet, le mot grec peut être traduit des deux façons. Ces deux traductions se rejoignent quelque part. Ça nous montre aussi que le texte de la Bible est sujet à interprétation. C’est un texte vivant qui nous parle et nourrit notre foi.
- Moi, j’ai pensé que c’est parce que Jésus avait un corps différent, un corps de lumière.
- Pourtant, Marie-Madeleine a pris Jésus pour le jardinier. Il devait bien avoir un corps normal !
- En même temps, Jésus est méconnaissable dans son nouveau corps de ressuscité. Au point que cela pose question à Marie-Madeleine, qui pleure !
- Rencontrer Dieu, c’est faire l’expérience de sa présence mais aussi de son absence. L’expérience d’un Dieu caché qui s’efface. Marie-Madeleine réagit à la voix de jésus qui la retourne et la met en mouvement. La peur de perdre nous fait entrer dans une foi vivante.
- Ça me rappelle la difficulté qu’on a à se séparer d’un enfant adulte qui quitte la maison.
- Ce passage fait penser aussi aux pèlerins d’Emmaüs.
- Et nous quand on va ressusciter, est-ce qu’on nous demandera quel corps on veut avoir ?
- « Rabbouni », c’est une drôle de langue..
- C’est de l’araméen, la langue de Jésus. Les chaldéens parlent encore cette langue. Plusieurs communautés sont implantées sur notre diocèse. Ce sont des chrétiens comme nous.
- On a plein de moyens différents pour bouger, pour reconnaître jésus. Le Christ nous fait bouger à tous niveaux de notre vie, amical aussi. La foi, c’est vivant, pas une théorie.
Rencontrer Dieu, c’est faire l’expérience de sa présence mais aussi de son absence. L’expérience d’un Dieu caché qui s’efface.
- A la question « Où est Jésus ? », moi je réponds qu’il est en moi tout le temps. Je suis complètement habitée par la présence de Jésus ! Mais quant à le reconnaître – on voit que Marie-Madeleine et les pèlerins d’Emmaüs ne le reconnaissent pas – pour moi aussi ça peut être difficile. Je me dis qu’il y a en chaque personne une parcelle de divinité, mais parfois elle est bien cachée !! Il faut gratter le vernis pour y trouver Jésus…
- Mais quand on cherche vraiment cette parcelle de divinité, on trouve toujours…
- Pour le découvrir, il faut partager vraiment avec quelqu’un, partager sa fragilité, permettre à l’autre de découvrir la tienne, alors c’est là que les choses se révèlent.
- C’est déjà bien de savoir que quelle que soit la personne, Dieu est en lui. Ça aide à l’accepter !
- J’ai reçu vraiment un très beau témoignage à Pâques avec la catéchumène que j’accompagne. Elle en a pleuré de savoir qu’on est pardonnés ! Elle n’en a pas dormi de la nuit !
- Ah bon ? On peut toujours demander le pardon de Dieu !
- Oui, mais on lui avait dit que l’Église n’est pas pour les handicapés !!
- Oh !!
- Parfois on se fait insulter… Je reviens sur la question du pardon. Nous sommes pardonnés. OK. Mais parfois, on n’arrive pas à se pardonner soi-même…
- Je crois que c’est de l’orgueil. Se pardonner, c’est tout un chemin.
- Dans la vie, on peut avoir des doutes. Mais si on a la foi, il y a des lieux qui portent, comme la cathédrale Saint Maclou. Il y a des lieux où on sent que Jésus est présent. Ou à la maison quand on allume une bougie. Pour moi, il est présent 24h sur 24, même au travail. J’ai confiance en la présence de Jésus.
Je me dis qu’il y a en chaque personne une parcelle de divinité, mais parfois elle est bien cachée ! Il faut gratter le vernis pour y trouver Jésus…
- Moi aussi et j’ai la chance de partir en pèlerinage, d’être dans une communauté, notre groupe ici, ce sont des lieux de rencontre très précieux. Je me le dis quand j’arrive ici à Amitié espérance.
- Mais quand même, quand on est dans la souffrance, on peut se poser des questions…
- Maintenant, je reste en silence avec Dieu dans une église, en lien profond avec Jésus. Au début, je demandais tout le temps. Maintenant, je reste seule en relation avec jésus. Même si mon rêve, ce serait de prier avec une sœur.
- Je suis contente de participer à ce qui se passe en paroisse, par exemple le chapelet, la messe en semaine. C’est comme un pèlerinage, quelque chose qui me guérit intérieurement. C’est comme si j’allais à Lourdes… Jésus sèche mes larmes. Il me dit : « Ne t’inquiète pas ! » Je travaille sur mon passé, je fais le bilan. Ce n’est pas bien. Mais je fais un parcours avec Jésus. Jésus me sauvera de mes peurs.
- Si c’est toujours une très bonne chose que de revenir sur son passé, son histoire. Dieu y était présent aussi !
- Ça me fait penser au poème où quelqu’un marche à côté de Jésus. Au bout d’un moment il ne voit plus que 2 traces de pas et pas 4 comme au début et il récrimine contre Dieu qui l’a abandonné… Et Dieu lui dit, non, il n’y a que deux traces de pas car à ce moment-là, je te portais.
Si c’est toujours une très bonne chose que de revenir sur son passé, son histoire. Dieu y était présent aussi !
- Je vous conseille le livre « Ma vie est un miracle » de la dernière miraculée de Lourdes.
- Moi, j’ai du mal avec les guérisons ! Je crois au salut, mais la notion de guérison est plus difficile. Moi, j’ai reçu le salut pour pouvoir construire mais je ne serai jamais guérie.
- Ça peut culpabiliser de ne pas être guéri soi-même !
- Pourquoi se sentir coupable d’être malade ou fragile ?
- Après sa résurrection, Jésus apparaît aux pèlerins d’Emmaüs, à Marie-Madeleine, .. mais pas à Pierre ni aux apôtres.. Il apparaît à ceux qui ont de l’humilité. Il apparaît aux femmes qui n’étaient pas considérées, aux personnes anonymes. Jésus se révèle aux humbles. Aux petits. Comme la Vierge l’a fait aussi.
- La naissance de Jésus est annoncée aux bergers…
- Dans le texte, il y a deux fois le mot « retourner », la première fois, Marie-Madeleine se retourne suite aux paroles des anges « pourquoi pleures-tu ? » et la seconde, suite à son nom prononcé par Jésus. Le retournement, la conversion, viennent toujours de Jésus, même si nous avons notre part.
- Oui, la conversion vient de l’intimité avec Dieu. Il est toujours premier, il nous décentre, nous dépossède de nos illusions, de nos doutes.
- Quelqu’un que j’ai énormément aimée m’a trahie. J’en ai pleuré jour et nuit pendant longtemps. Pourtant étant enfant, je n’ai jamais pleuré. On n’avait pas le droit, sinon ma mère nous battait ou nous mordait. Je suis divorcée, 3 enfants, le papa abîmait tout… Pleurer, ça a été pour moi le « sacrement des larmes ». Toi, tu dis que Jésus sèche tes larmes. Moi, il me fait pleurer !
- Mais pleurer, c’est un aveu ! Pour moi, pleurer, c’est pas normal, c’est un manque, c’est de la faiblesse ?
- Là c’était incontrôlable
- J’ai entendu le Pape parler du « sacrement des larmes »
- Faire le chemin de croix me fait du bien. Ça nous aide.
- Avant, j’allais à l’église pour demander. Maintenant, je sais que ce que je demande ce n’est pas forcément ce que Jésus veut pour moi. Alors, je lui donne tout, mon esprit, mon corps…
- Marie-Madeleine est une personne simple qui ne s’attend pas à ce qu’on vienne lui parler. Ça nous invite à trouver le bon en chaque personne.
- J’ai vu la question « qu’est-ce qu’on cherche ? » Moi je cherche le bonheur.
- C’est quoi le bonheur ?
- Pour moi, le bonheur, c’est de garder la petite fille de ma voisine. Elle est infirmière et je l’ai trouvée un jour pleurant dans son canapé, car ne sachant pas quoi faire pour garder sa fille. Elle songeait à démissionner… Je lui ai proposé de la garder, sans rien lui cacher de ma situation, bipolaire, malvoyante… J’avais à l’époque mon mari très malade aussi, dont je m’occupais. Elle m’a fait confiance ! C’est formidable car on se rend mutuellement des services, on peut compter l’une sur l’autre. Je n’ai jamais eu d’enfant et ça me manque… La petite a demandé à sa maman, en parlant de moi « si je l’appelle maman, ça va ? » Et la maman a répondu « Elle sera ta 2eme maman alors… »
- Ce que j’entends, c’est une vraie résurrection mutuelle ! Alors que tu étais engluée dans de multiples problèmes, dans une situation affective violente, ta voisine t’a redonnée confiance, t’a redonnée une place… Et toi, tu lui as donné beaucoup aussi ! C’est ça le miracle de la résurrection…
- On peut vivre chacun plein de résurrections petites ou grandes !
Recueilli par Geneviève Robert
Avril 2023
Illustrations : Bernadette Lopez
www.evangile-et-peinture.org
www.bernalopez.org
Evangile de Jésus Christ
selon saint Jean
Jn 20, 11-18
En ce temps-là, Marie Madeleine se tenait près du tombeau, au-dehors, tout en pleurs. Et en pleurant, elle se pencha vers le tombeau. Elle aperçoit deux anges vêtus de blanc, assis l’un à la tête et l’autre aux pieds, à l’endroit où avait reposé le corps de Jésus. Ils lui demandent : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répond : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a déposé. » Ayant dit cela, elle se retourna ; elle aperçoit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était Jésus. Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Le prenant pour le jardinier, elle lui répond : « Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as déposé, et moi, j’irai le prendre. » Jésus lui dit alors : « Marie ! » S’étant retournée, elle lui dit en hébreu : « Rabbouni ! », c’est-à-dire : Maître. Jésus reprend : « Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. » Marie Madeleine s’en va donc annoncer aux disciples : « J’ai vu le Seigneur ! », et elle raconta ce qu’il lui avait dit.
« Va trouver mes frères… »
Témoigner de Jésus dans nos vies
Après ce temps de méditation, nous avons suivi physiquement un « chemin de lumière » jonché de branchages et de bougies, vers le cierge pascal disposé au centre, tout en chantant « Peuple de lumière, baptisé pour témoigner, … » et « comme une huile de lampe se transforme en lumière.. »
Puis nous avons lu ensemble cette prière
« Seigneur, lorsque nous pensons à notre vie, nous sommes bien obligés de reconnaître que nous ne sommes pas des héros de la foi. Pourtant, tu veux bien te servir de nous, et tu veux bien que nous soyons tes ambassadeurs à la rencontre de nos frères et sœurs en humanité.
Comme le Christ est apparu à Marie de Magdala, comme Il s’est manifesté à deux disciples en route vers Emmaüs, et qui sont allés le dire aux autres, comme il est apparu aux onze qu’Il a fini par envoyer dans le monde entier, nous nous sentons toujours porteurs de ce message à partager.
Accorde-nous maintenant de recevoir et t‘écouter ta Parole dans la foi. Réveille en nous la conviction que la rencontre avec le Ressuscité est possible et que le Vivant vient nous entraîner dans ton mouvement d’amour vers tous les hommes. »
Nous nous demandons ensuite comment être témoins du ressuscité
- Va trouver mes frères ! Moi, j’y crois pas trop. Je ne me vois pas parler aux gens comme ça. Et puis dans ma paroisse, on m’a dit « y’a pas de handicapés ici ! »
- Mais on peut ouvrir la Parole de Dieu à d’autres personnes, en toute circonstance, dire notre passion pour le Christ quand on a passé un moment avec d’autres
- Impossible dans ma paroisse ! De toute façon je me cache pour aller à l’église, ou je vais plus loin. Comme je viens du monde musulman, on me reproche déjà de ne pas porter le voile ou de ne pas faire le ramadan.
- Moi j’ai moins de problème, mon témoignage est naturel. Par exemple quand quelqu’un regarde ma croix, je dis que j’ai la foi… Ce sont de petites choses mais importantes je pense.
- L’autre jour, j’ai parlé de Jésus dans le train. J’ai témoigné sans m’en rendre compte.
- On fait souvent de belles rencontres. Est-ce Dieu qui me les envoie ?
- Mais on ne peut pas balancer comme ça des paroles sur Dieu.
- Je pense que l’Esprit Saint nous y aide. Il y a longtemps dans un groupe d’aumônerie, le thème était l’Esprit Saint justement et ça avait été le bazar dans la réunion. J’avais décidé d’arrêter… La fois suivante, quelqu’un est venu dire qu’il avait adoré la rencontre et découvert plein de choses ! l’Esprit nous précède et agit.
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« Amitié Espérance – Arc en Ciel »
Amitié-Espérance-Arc-en-Ciel propose une présence auprès de personnes éprouvées par la souffrance psychique ou liée à un état dépressif.
Le mouvement rassemble des personnes qui témoignent de l’amitié et de l’Espérance au cœur même de leur fragilité. Il se veut un lieu d’accueil, d’écoute, de partage, de rencontres, au travers des expériences de la vie ordinaire. Il permet de cheminer au sein d’un groupe, composé d’accompagnants et de personnes fragiles. L’isolement peut ainsi être brisé. Le groupe est un espace convivial où chaque personne est accueillie, écoutée…
Pour que chacune conserve toute sa dignité et prenne sa place dans la société et dans l’Église. Ce mouvement diocésain est sous la responsabilité du Service de la Pastorale de la Santé du diocèse de Pontoise.