Messe Chrismale : homélie de l’évêque

Homélie de Stanislas Lalanne
à la messe chrismale
Eglise d’Eaubonne
4 avril 2023

Je vais bénir et consacrer les huiles saintes, actes liés à la vie de l’Eglise dont la dimension missionnaire est clairement affirmée.

Mais cette dimension ne peut se déployer que si nous nous recentrons d’abord sur ce mystère du Christ nous révélant l’amour du Père et nous donnant son Souffle pour aimer comme il a aimé. Toute cette semaine sainte va nous le donner à contempler.

Ce soir, c’est vers le Christ que nous nous tournons d’abord. Le Christ, cœur de notre foi d’évêque, de prêtres, de diacres, de consacré(e)s, de laïcs en mission ecclésiale, de chrétiens tout simplement, de catéchumènes également.

On ne peut pas oublier pour autant qu’aujourd’hui tant d’hommes et de femmes vivent le mystère pascal sous sa phase douloureuse.  Je pense aux populations nombreuses qui traversent, de par le monde, guerres et conflits et qui sont victimes d’exactions odieuses et barbares. Je pense à notre société si fracturée, comme le montrent les conflits sociaux de ces jours mettant à mal notre engagement collectif pour la fraternité. Une situation sociale et économique si préoccupante pour beaucoup : vie rude, pauvreté, incertitudes sur l’avenir, manque de perspectives… Je pense encore au débat en cours sur le juste accompagnement de la fin de vie dans notre pays, dans une époque marquée par un mélange de négation de la mort et de fascination pour la mort…

C’est vrai, chacun d’entre nous peut avoir des raisons d’être inquiet, ébranlé, blessé ou accablé. Par vagues successives, nous traversons une série d’épreuves, sans compter des remises en cause parfois agressives, renvoyant l’Eglise à la sacristie ! Avec une conception étroite, réductrice, de la laïcité. 

Mais nous venons d’entendre l’Evangile qui ravive notre foi et nous invite à l’espérance : « Cette parole de l’Ecriture que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit. » Parole vertigineuse ! Chaque jour de l’histoire des hommes est le présent du jour de Dieu. Le jour que nous vivons est le jour où la Parole s’accomplit pour nous et pour notre Eglise tout entière.

La force de notre espérance n’est pas dans nos rêves ou nos utopies. Elle est dans le Seigneur ressuscité qui répand son Esprit sur l’Eglise. La force qui nous anime ne vient pas des motivations du pouvoir ou de la richesse. Elle est dans la douceur du Serviteur venu se mettre à genoux devant ses disciples. Nous le rappellerons jeudi. La force qui nous anime est au milieu de nous, Esprit de Dieu vivant en nos cœurs, vivant en son Eglise. 

Cette force est au milieu de nous, sacramentellement présente dans l’eucharistie que nous célébrons. Cette force est au milieu de nous par ces huiles que je vais bénir et consacrer et qui vont accompagner le peuple chrétien du Val-d’Oise au long de sa marche.

Par cette huile des malades, ceux-ci seront réconfortés et assurés dans leur endurance à assumer la souffrance qu’ils ne peuvent éviter. Ce que demande cette prière pour les malades, c’est que la communauté vienne entourer un membre souffrant de son corps. Belle et exigeante mission ! Bénir cette huile affirme publiquement que nous ne laisserons jamais tomber l’un des nôtres. Que si l’âge vient, si la maladie tombe, si le handicap advient, cette personne ne sera jamais seule, car elle est un frère, une sœur en Christ. 

L’huile des catéchumènes sera pour ceux-ci la force permettant d’affronter le combat de la foi, comme nous avons tous, nous aussi, à affronter ce combat. La prière pour bénir cette huile rappelle la lutte, le combat spirituel, l’effort, parce qu’on ne devient pas chrétien comme on s’inscrit dans une association ! On devient chrétien par conversion, par l’écoute et la réponse à l’appel de Dieu qui bouleverse la vie.

Cette force est présente par la puissance du saint chrême avec lequel seront consacrés les nouveaux baptisés. Non seulement les 153 adultes et 229 jeunes baptisés à Pâques, mais tous les nouveau-nés et les enfants baptisés dans nos paroisses, promesse de la vitalité de l’Eglise aujourd’hui et demain. Saint chrême par lequel seront marqués les confirmés qui font le choix de ratifier leur baptême et d’accueillir la confirmation par Dieu du don qu’il leur a fait. Plus de 200 adultes à la Pentecôte prochaine ! Saint chrême par lequel les prêtres et les évêques sont consacrés pour être pasteurs de l’Eglise et témoins pour le monde de l’Evangile du Salut. Cette force qui est au milieu de nous dans ces vasques, c’est bien la force du Christ lui-même qui va se diffuser dans le corps de son Eglise.

Eglise réunie ce soir par l’amour du Christ, nous sommes un peuple rendu vivant par l’appel de Dieu, un peuple de l’avenir et pas moribond comme certains voudraient le faire croire ! Nous sommes faibles, pauvres mais riches aussi : riches de la vitalité de notre Eglise, riches de cette puissance de Dieu à l’œuvre au milieu de nous, telle que nous la voyons sacramentellement, telle que nous l’espérons pour les hommes de notre temps. 

C’est la mission de l’Eglise dans le Val-d’Oise d’être témoin de cette force de Dieu. Et les petites fraternités missionnaires en sont de beaux signes. C’est la mission de notre Eglise de nourrir la sérénité de ses membres, parfois mise à mal, et de la nourrir par la confiance donnée à la Parole de Dieu. 

C’est la force de notre Eglise de nourrir la communion qui nous unit, prêtres, diacres, consacré(e)s, laïcs et évêque, en un corps unique. C’est la force de notre Eglise de nous rendre capables d’être réunis par l’amour qui vient de Dieu malgré, ou plutôt avec, nos différences de cultures, de sensibilités ecclésiales et spirituelles, de générations.

Car l’amour est plus fort que tout : plus fort que ce que nous pensons, plus fort que ce que nous croyons, plus fort que ce que nous disons. Cette force qui nous habite, cette force de l’Esprit Saint, nous la recevons avec reconnaissance, avec émotion. Nous l’accueillons comme une promesse de vie pour notre Eglise. Mais nous savons, au moment même où nous la recevons, qu’elle nous échappera si nous décidons de la garder seulement pour nous. 

Prêtres, diacres, et évêque, nous sommes comme mis à part dans ce corps qu’est l’Eglise. Pas pour nous mettre au-dessus des autres ! Mais pour rendre le service de rappeler que la source ne vient pas de nous, qu’elle nous précède et nous donne vie.

On ne reçoit pas l’eau vive pour la mettre en bouteille ! On ne reçoit pas la lumière pour la mettre sous le boisseau. On ne reçoit pas la Parole pour la cacher dans un livre. On reçoit la Parole pour l’annoncer, on reçoit la lumière pour éclairer le monde, on reçoit l’eau vive pour la répandre. C’est la responsabilité missionnaire de toute notre Eglise. 

Ce soir, réjouissons-nous. Dans la diversité de nos vocations, nous sommes tous consacrés en Christ, « christifiés » en lui, le Seigneur, dans la grâce de l’Esprit, afin d’être « pour le monde les témoins de l’Evangile du Salut ». 

Et c’est notre joie ! Une joie à partager largement. Amen.