La liturgie dans la logique
de l’Incarnation
Evènement, émerveillement, rencontre, proximité de Dieu… La fête de Noël qui approche nous invite à approfondir la relation entre liturgie et incarnation. Eléments de réponses à partir de la lettre du pape François sur la formation liturgique.
La fête de Noël qui approche nous invite à approfondir la relation entre liturgie et incarnation[1] : plus que la fête liturgique de la nativité, c’est ici l’incarnation comme clef de compréhension de notre liturgie qui nous intéressera. Nous le ferons à partir de la lettre du pape François sur la formation liturgique[2], dans laquelle il revient à plusieurs reprises sur ce thème.
Nous le savons, c’est la fête de Pâques, et non celle de Noël, qui constitue le sommet de l’année liturgique. C’est bien la mort et la résurrection du Christ, son mystère pascal, qui est la source de notre salut. Mais s’il a pu mourir et ressusciter pour nous, c’est parce qu’il est né dans notre chair : par l’évènement de l’incarnation, Dieu nous offre la possibilité de le rencontrer, de mourir et de ressusciter avec Lui. C’est pourquoi, dit le pape François, « l’Incarnation est la méthode même que la Sainte Trinité a choisie pour nous ouvrir le chemin de la communion[3]. »
Pour que le mystère pascal, qui est le cœur de toute célébration chrétienne, puisse toucher et transformer notre vie[4], la liturgie doit emprunter le même chemin, la même pédagogie :
« la liturgie nous prend par la main, ensemble, en assemblée, pour nous conduire dans le mystère que la Parole et les signes sacramentels nous révèlent. Et elle le fait en cohérence avec l’action de Dieu, en suivant le chemin de l’incarnation, à travers le langage symbolique du corps qui se prolonge dans les choses, l’espace et le temps.[5] »
Le pape François nous invite ainsi à penser la liturgie « en continuité et en cohérence avec la méthode de l’Incarnation »[6]. Qu’est-ce que cela signifie ? Nous pouvons retenir 3 conséquences sur notre manière de percevoir la liturgie.
La liturgie nous prend par la main, ensemble, en assemblée, pour nous conduire dans le mystère que la Parole et les signes sacramentels nous révèlent.
1. La liturgie est un évènement
Penser la liturgie dans la logique de l’incarnation, c’est renoncer à en faire une idéologie, un rite magique ou interchangeable, déconnecté du contexte. Toute liturgie se situe dans un lieu et un temps particulier, avec une assemblée spécifique : comme l’incarnation, c’est un évènement concret ! La liturgie est un évènement à chaque fois unique, dans la possibilité de rencontre avec le Christ qu’elle offre dans « l’aujourd’hui » de sa célébration. Elle s’adapte au temps, à l’espace, à l’assemblée, à la culture : c’est là qu’elle trouve sa vérité. La liturgie n’est pas un plat surgelé qu’on réchauffe : on ne reproduit jamais deux fois la même célébration !
2. La liturgie honore le monde créé comme lieu de la rencontre de Dieu.
Penser la liturgie dans la logique de l’incarnation, c’est reconnaître que la rencontre du Christ ne s’accomplit pas par un processus mental ou une assimilation intellectuelle, mais qu’elle se donne dans une expérience vitale, qui saisit tout notre être.
« La liturgie se fait avec des choses qui sont l’exact opposé des abstractions spirituelles : le pain, le vin, l’huile, l’eau, les parfums, le feu, les cendres, la pierre, les tissus, les couleurs, le corps, les mots, les sons, les silences, les gestes, l’espace, le mouvement, l’action, l’ordre, le temps, la lumière. (…) C’est toute la création qui est assumée pour être mise au service de la rencontre avec le Verbe : incarné, crucifié, mort, ressuscité, monté vers le Père[7]. »
Par sa naissance dans notre chair, le Christ a rendu toute la création capable de nous parler de Dieu. C’est pourquoi la liturgie nous apprend à renouveler notre regard, à entrer dans une attitude d’attention et de considération pour ce qui nous entoure :
« si les choses créées sont une partie si fondamentale, si essentielle, de l’action sacramentelle qui réalise notre salut, alors nous devons nous disposer en leur présence avec un regard neuf, non superficiel, respectueux et reconnaissant[8]. »
3. La liturgie forme un style empreint de proximité.
Penser la liturgie dans la logique de l’incarnation, c’est enfin renoncer à un sens du sacré qui serait « une sorte de désarroi devant une réalité obscure ou un rite énigmatique »[9], comme si Dieu était d’autant plus présent quand les rites accentuaient la distance qui nous sépare de lui. Au contraire, la proximité voulue par l’Incarnation nous apprend à reconnaitre, dans les signes très humbles qui appartiennent à notre monde, l’altérité de la présence de Dieu ; et cela conduit toujours à l’adoration – comme les bergers et les mages à la crèche.
Ce style empreint de proximité dessine une liturgie hospitalière, où chacun est accueilli tel qu’il est, dans sa pauvreté ; une liturgie qui inspire des gestes fraternels, en nous apprenant à reconnaitre dans nos frères et sœurs la présence de Dieu.
Émerveillement est un mot que nous associons spontanément à Noël. (…) C’est ce même émerveillement que nous sommes invités à cultiver dans la liturgie.
L’émerveillement
Un mot peut résumer ces attitudes : l’émerveillement. Un mot que nous associons spontanément à Noël : émerveillement des bergers et des anges, et des enfants à la crèche, émerveillement devant cet amour infini qui se donne dans ce nouveau-né si petit ; émerveillement devant le mystère de Dieu qui se révèle en prenant corps dans notre humanité… C’est ce même émerveillement que nous sommes invités à cultiver dans la liturgie : émerveillement devant l’évènement toujours nouveau de la rencontre du Christ ; émerveillement de ce regard nouveau sur la création, porteuse de la présence du Christ ; émerveillement de cette proximité dans laquelle nous sommes accueillis. Cette capacité d’émerveillement est l’attitude fondamentale pour entrer en liturgie. Finalement, à chaque fois que nous vivons la liturgie, nous célébrons Noël !
En contemplant l’enfant de la crèche en cette fête de la Nativité, puissions-nous être renouvelés dans cet émerveillement qui est « une partie essentielle de l’acte liturgique[10] », pour que nos célébrations portent davantage de fruit !
[1] L’incarnation – au sens étymologique, c’est le fait « d’entrer dans la chair » – signifie que le Dieu éternel et invisible entre dans l’histoire des hommes en prenant chair dans la personne de Jésus.
[2] Pape François, Lettre apostolique « Désiderio desideravi » sur la formation liturgique du peuple de Dieu, datée du 29 juin 2022.
[3] DD 10
[4] Le pape François donne de la liturgie la définition suivante : « La Liturgie est le sacerdoce du Christ révélé et donné dans son Mystère Pascal, rendu présent et actif aujourd’hui par des signes sensibles (eau, huile, pain, vin, gestes, paroles) afin que l’Esprit, en nous plongeant dans le mystère pascal, transforme toute notre vie, nous conformant toujours plus au Christ. » (DD 21)
[5] DD 19
[6] DD 42
[7] DD 42
[8] DD 46
[9] DD 25
[10] DD 26
Novembre 2024