Le rétablissement en santé mentale
Un diagnostic de pathologie psychique se conjugue bien souvent avec « la fin de tout ». La notions de « rétablissement » permet de sortir de l’alternative « guérir ou rester malade ». C’était le thème de la journée de formation proposée par l’équipe diocésaine de pastorale en santé mentale. Compte-rendu.
Plus de cinquante personnes étaient rassemblées, samedi 28 janvier 2023, pour la journée de formation et de partage proposée par l’équipe de pastorale en santé mentale. Sur le thème « le rétablissement en santé mentale, aspects psychologiques, spirituels et religieux ».
Venant de tout le Val-d’Oise, les participants avaient des rapports différents avec les pathologies psychiques : personnes elles-mêmes en souffrance, proches aidants, professionnels de santé, accompagnateurs de divers mouvements laïcs ou d’Eglise… Une complémentarité bénéfique, qui prenait tout son sens dans la thématique de la journée.
Trois intervenants nous ont conduits à découvrir ou approfondir ce qu’est le rétablissement : Marie Koenig, docteur en psychologie clinique, psychothérapeute, chercheuse (notamment sur le rétablissement) et formatrice, Elisabeth Damiani, patiente en voie de rétablissement, et le Père Daniel Ducasse, prêtre diocésain, prêtre accompagnateur de l’aumônerie de l’hôpital de Pontoise, et accompagnateur spirituel. (Cf. ci-dessous).
Il ne faut pas confondre « rétablissement » avec « guérison ». Le rétablissement est une dynamique initiée par des patients qui n’ont plus supporté qu’un diagnostic de pathologie psychique se conjugue avec « la fin de tout ».
Marie Koenig et Elisabeth Damiani l’ont souligné d’emblée : il ne faut pas confondre « rétablissement » avec « guérison ». Et c’est fondamental. Le rétablissement est une dynamique initiée par des patients qui n’ont plus supporté qu’un diagnostic de pathologie psychique se conjugue avec « la fin de tout ». Non, La vie continue, elle va prendre un tour nouveau ! Au lieu de ne voir que les pertes, il s’agit de saisir les possibles et de s’emparer de ceux-ci pour construire sa vie, qui aura du sens, de la valeur. Partir des capacités qui sont toujours là, et ainsi ouvrir des potentialités nouvelles.
Pour initier cette dynamique, et la développer il convient que la personne en souffrance comme son entourage soient attentifs aux points suivants :
- Considérer les ressources et les compétences de la personne au-delà des troubles, de reconnaitre toute sa capacité de réalisation personnelle
- Défendre les droits de la personne, notamment le droit à l’autodétermination de ses choix de vie, même s’ils nous désorientent
- Partager les décisions: là où le « savoir expert » peut s’octroyer une position de surplomb, laisser la personne en souffrance exprimer ce dont elle a besoin et le prendre en considération… Tout cela revient à respecter le « savoir expérientiel » des personnes.
La voie du rétablissement n’est pas linéaire : elle peut passer par des allers et retours. Mais lorsqu’on fait trois pas en avant et deux en arrière, on a fait malgré tout un pas en avant !
Il est essentiel que la personne pour qui un diagnostic de pathologie psychique a été posé puisse à un moment donné accepter la réalité de celle-ci. Et donc la nécessité d’un traitement. Elle a besoin d’avoir confiance en elle, en ses capacités. Ce qui peut nécessiter l’aide de l’entourage. Être entouré, aimé, accompagné, est une aide précieuse.
Enfin, la voie du rétablissement n’est pas linéaire : elle peut passer par des allers et retours. « Mais lorsqu’on fait trois pas en avant et deux en arrière, on a fait malgré tout un pas en avant ! »
Il convient aussi de souligner qu’aucune dynamique de rétablissement ne ressemble à une autre. Cela dépend de la personne, de son histoire, de ses compétences, et des appuis sur lesquels elle peut compter.
Les intervenants de la journée
Marie Koenig,
Docteur en psychologie clinique,
psychothérapeute, formatrice,
chercheuse (en particulier sur le rétablissement)
Elisabeth Damiani
En voie de rétablissement, formatrice,
membre de la Mission des Pèlerins de l’Eau Vive
(mouvement catholique pour les personnes
malades de l’alcool et leurs proches).
Daniel Ducasse
Prêtre diocésain, accompagnateur
de l’aumônerie de l’hôpital de Pontoise,
accompagnateur spirituel.
Elisabeth Damiani, par son cheminement personnel, a été pour nous le témoin d’un itinéraire de rétablissement. Son chemin l’a conduite à être « pair-aidante ». C’est-à-dire à témoigner et à accompagner des personnes sur le chemin du rétablissement. Elle est aussi formatrice pour aider d’autres personnes « rétablies » à devenir à leur tour pair aidantes. Pour elle, l’un des appuis essentiel a été la spiritualité, la Foi. La lecture et la méditation de la Bible, la prière quotidienne l’ont toujours accompagnée, même aux jours les plus sombres de sa vie.
Le Père Daniel Ducasse a complété la journée par des éclairages évangéliques. En prenant appui sur le rencontre de Jésus avec Bartimée (Mc 10, 46-52 ), le P. Ducasse a souligné les points suivants :
- Jésus accepte la rencontre avec cet homme que d’autres voulaient exclure
- Il part de la demande réelle de Bartimée : il n’impose pas un geste, il lui demande « que veux-tu que je fasse pour toi ? » Il ne décide pas pour lui, Il le rend responsable de sa vie.
- Jésus ne s’octroie pas la guérison mais dit à Bartimée « ta foi t’a sauvé ». C’est la confiance en Dieu, la confiance en lui-même, en osant crier vers Jésus, qui l’a sauvé.
Au début de la rencontre de Jésus avec un « possédé » à Génésareth, cet homme est dans une grande confusion. Tout est angoisse et désarroi qui le font crier et s’automutiler. Son entourage l’identifie à sa maladie…
Dans la rencontre de Jésus avec un « possédé » à Génésareth, (Mc 5,1-20), le Père Ducasse pointe quelques éléments importants :
- En début de rencontre cet homme est dans une grande confusion. Tout est angoisse et désarroi qui le font crier et s’automutiler.
- Son entourage l’identifie à sa maladie. Ils l’enchaînent, essaient de le maîtriser par la force. Ce qui ne sert à rien ! Il casse les liens et les chaînes. Il y a une épreuve de force entre l’entourage et cet homme.
- Cependant, l’homme exprime un désir vers Jésus, par un cri qui mêle attirance et rejet. Il dit sa Foi en nommant Jésus « Fils du Dieu très-haut ». Jésus ne refuse pas de le rencontrer.
- Jésus libère l’homme de ses démons : « sors de cet homme ». Sa confusion cesse et il retrouve son bon sens. La parole de Jésus sépare ce qui opprime l’homme de ce qu’il est réellement et profondément.
Accepter la rencontre et le dialogue sans stigmatiser, restaurer la confiance, reconnaître la personne comme personne et non comme « malade »… Rôle essentiel pour tous les accompagnants.
Mais aussi: prier, patiemment, pour ne pas se laisser prendre nous-même par la confusion; et demander à Dieu que se dégage de la personne malade sa véritable personnalité, riche de tous ses possibles.
Les participants à cette journée ont apprécié ces interventions claires, simples, précises et pleines d’espoir… même si, parfois, les idées développées se sont heurtées à la réalité quotidienne difficile des personnes souffrant de pathologies psychiques. Ce qui a pu être exprimé dans les temps de partage en petits groupes.
Les évaluations sont positives… et tous souhaitent qu’il y ait d’autres journées du même type…
Alors, à l’an prochain ?
Equipe diocésaine
Pastorale Santé mentale
Mars 2023
Ressources en ligne
pour aller plus loin
(Cliquez sur les liens)
-
Sur le site du Psycom : On peut se rétablir d’un problème de santé mentale comme on se rétablit d’un problème physique. Cette idée commence à faire son chemin, modifiant le regard porté sur les troubles psychiques.
-
Textes de Patricia Deegan (Défenseure des droits des personnes handicapées, psychologue et chercheuse vivant aux États-Unis) :
-
Article de Bernard Pachoud, psychiatre :
« Se rétablir de troubles psychiatriques : un changement de regard sur le devenir des personnes » -
Article collectif
« Spiritualité, pratiques religieuses et schizophrénie: mise au point pour le praticien -
Vidéo : « paroles de rétablissement » de Patricia Deegan
- Liste d’adresses utiles
Livres pour
aller plus loin :
- Santé mentale et processus de rétablissement
Ouvrage collectif : Jean-Paul Arveiller, Bernard Durand, Brice Martin
Edition Champ Social, 2017. - Le rétablissement dans la schizophrénie : un parcours de reconnaissance
Marie Koenig / Edition PUF, 2015 - Les voix du rétablissement. La médiation de la pair-aidance
Sabrina Palumbo et collectif / Edition Frison-Roche, 2021. - Conversions, spiritualité et psychologie dans l’épreuve
Récits de résilience et clés de discernement pour vivre mieux.
Bernard-Marie Geffroy / Edition Artège, 2018. - Protection, délivrance, guérison. Célébrations et prières
Service national de la pastorale liturgique et sacramentelle
Editions Desclée / Mame. 2016.
(Attention, ce n’est pas un livre « de recettes ». Prendre soin de lire les notes pastorales)