La force de l’amour
Jacqueline, membre du service évangélique des malades à Herblay, visite régulièrement M. et Mme D. qui partagent la même chambre à la clinique. Elle raconte la force de leur foi et de leur amour…
Je vois régulièrement Monsieur et Madame D. qui partagent la même chambre à la Clinique. Chaque fois, c’est le même bonheur. Attentionnés l’un pour l’autre, une foi solide les unit et ils sont heureux de recevoir la communion que je leur apporte souvent. C’est avec ferveur, avec joie aussi qu’ils s’y préparent. Nous chantons des cantiques qu’ils aiment bien et écoutons la Parole de Dieu, la chambre se transformant alors en petite cellule d’Église au cœur de la clinique.
Nous échangions souvent. Mr. D. était soucieux quant à l’avenir… Qu’allaient-ils devenir ?… Qu’est-ce qui allait se passer ?… Et je lui avais remis un petit texte-prière qu’il aimait et relisait souvent, me disait-il :
Vis le jour d’aujourd’hui,
Dieu te le donne, il est à toi, vis-le en Lui.
Le jour de demain est à Dieu,
Il ne t’appartient pas.
Ne porte pas sur demain le souci d’aujourd’hui.
Demain est à Dieu : remets-le lui.
Le moment présent est une frêle passerelle :
si tu le charges de regrets d’hier,
de l’inquiétude de demain,
la passerelle cède et tu perds pied.
Le passé ? Dieu le pardonne.
L’avenir ? Dieu le donne.
Vis le jour d’aujourd’hui
en communion avec Lui.
Tous deux n’avaient qu’un désir maintes fois exprimé dans la prière par l’un et par l’autre : celui de partir ensemble. J’étais émerveillée. Je reprenais moi-même cette demande qui était la leur pour la présenter avec eux au Seigneur mais tout en gardant raison. Il me semblait en effet qu’il fallait être réaliste, qu’il y avait fort peu de chance que cela se passe ainsi. Je sentais même qu’il était un peu de mon devoir de les préparer à une autre éventualité et je me permettais d’ajouter à leur prière la demande suivante : « Seigneur, tu connais ce désir de nos cœurs, nous te le présentons mais s’il n’en était pas ainsi, nous te confions dès aujourd’hui celui qui resterait et nous te demandons pour lui la force et la paix dont il aura besoin.»
Ne soyez pas tristes… N’ayez pas peur…
L’amour, vous le voyez, est plus fort que la mort…»
On cheminait ainsi et puis un soir – c’était un vendredi – un message m’attendait. La fille de M. et Mme D. m’annonçait le décès de sa maman. Je pensais à M. D. Je devinais le désarroi dans lequel il devait se trouver. Je n’ai pas pu le rencontrer le lendemain comme je le voulais car il était allé au funérarium.
Mais le dimanche matin, à la clinique, je suis surprise de découvrir qu’il n’est ni abattu, ni désespéré comme je pouvais le craindre. Il était simplement dérouté que les choses se soient passées ainsi. Il répétait : « Je ne comprends pas… c’était convenu qu’on parte ensemble… ».
Je risque une parole : « Oui…vous l’aviez beaucoup demandé tous les deux…»
Il me regarde, comme m’interrogeant : « Remarquez, elle est heureuse, elle, là où elle est… »
– « Ça, c’est sûr. La peine est pour vous… Mais, elle, elle est dans la paix… » Il sourit… J’ajoute : « Je crois que quand on s’est aimé comme vous vous êtes aimés tous les deux, ça peut vous donner tous les courages. Savoir que celui qu’on aime est bien, c’est ce qui est le plus important… Alors, peut-être même qu’on peut aller un peu plus loin, vous ne croyez pas, et… remercier… parce que C. est partie la première et que la souffrance est pour vous et pas pour elle… Si l’inverse s’était produit, ç’aurait été tellement terrible, pour elle …
– « Oh oui ! C’est vrai… c’est peut-être mieux ainsi. Elle, au moins, aura été épargnée…
– « Vous vous souvenez, Monsieur, comment nous avions l’habitude de terminer notre prière ?»… Petit silence… « Seigneur, si cela ne se passait pas ainsi, nous te confions déjà celui qui restera. Donne-lui ta force et ta paix… »
– « Oui, reprend M. D., Ô Seigneur donne-moi ta force et ta paix. » Et il ajoute, sans doute pensant au petit texte qu’il aimait, « rien que pour aujourd’hui… demain sera un autre jour… »
Ô Seigneur donne-moi ta force et ta paix.
Nous prions comme dans une certaine paix retrouvée. Je lui donne la communion. Il me remercie chaleureusement. Oui, il paraît paisible quand je le quitte. Et vraiment rien ne pouvait laisser prévoir la nouvelle que j’apprenais dans l’après-midi: à son tour, M. D. nous avait quittés… il avait rejoint sa femme… J’en étais bouleversée… et le fus encore davantage quand, deux jours plus tard, ensemble, ils ont franchi le porche de l’église pour leurs obsèques au milieu de leurs parents et amis.
Ce n’était pas vraiment des funérailles. Les cloches de notre église ce jour-là sonnaient, me semble-t-il, comme pour des noces. Un secret nous était murmuré : « Ne soyez pas tristes… N’ayez pas peur… L’amour, vous le voyez, est plus fort que la mort…»
Jacqueline, membre du SEM d’Herblay
Mars 2021
Pastorale de la Santé
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« J’étais malade et vous m’avez visité. » (Mt 26, 36)
Evangélique des Malades (SEM).