Ils sont ordonnés diacres !

Homélie de Stanislas Lalanne
pour l’ordination diaconale
de Jérôme Blesch, Arnaud Dhermy,
Jean-Charles Duyrat et Ludovic Thiebaux 

Dimanche 25 juin 2023, Cathédrale de Pontoise

Le mot diacre en grec signifie serviteur. Le ministère du diacre doit évoquer, signifier, servir, actualiser pour nous aujourd’hui l’image même de celui qui est le Serviteur par excellence, le Christ. Il se présente à nous comme celui qui se veut totalement au service du Père et des hommes. 

Le Christ sert le Père en servant les hommes et il sert les hommes en servant le Père. Il est :

• celui qui ne garde rien jalousement pour lui,
• celui qui se donne, qui se livre,
• celui qui devient l’esclave et lave les pieds de ses disciples,
• le Crucifié, celui qui donne sa vie pour la multitude. 

Ce que Jésus fait, il le demande aussi à ses disciples : « Si je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres. » Jésus demande à son Eglise d’être en tenue de service, en esprit de service, en attitude de service, du Père et des hommes. 

Et pour cela, le Seigneur a mis sur notre route des hommes chargés de nous le rappeler, de nous le signifier, de nous y aider : ce sont les ministres ordonnés et particulièrement les diacres. Ils sont au « service du service », au service de l’Eglise pour qu’elle soit servante comme le Christ. Les diacres ne monopolisent pas le service, ils veillent à le démultiplier, à le faire vivre par tous.

Jérôme, Arnaud, Jean-Charles et Ludovic, vous nous rappellerez que la véritable attitude de service dans l’Eglise et dans la société implique un décentrement par rapport à soi. Une Eglise qui se veut servante est une Eglise qui ne se replie pas sur elle-même, sur le seul souci de l’animation de sa vie interne. 

C’est une Eglise qui s’ouvre sur la société qui l’entoure, qui apporte l’Evangile à tous, particulièrement, comme le Christ, aux pauvres, aux malades, aux petits, aux étrangers, aux exclus. Nous l’avons chanté dans le psaume : « Les pauvres l’ont vu, ils sont en fête. […] Le Seigneur écoute les humbles. »

Diacres, au sein de vos communautés, vous maintiendrez sans cesse le désir d’ouvrir les portes et les fenêtres, de venir à la rencontre des hommes, d’être attentifs aux plus éprouvés, à ceux qui sont loin, à ceux qui sont blessés par la vie. 

Mais vous rappellerez aussi à tous la source d’où jaillit le service : ce don de Dieu que nous recevons dans l’écoute de la Parole et dans l’Eucharistie. C’est en recevant la Parole, en la laissant travailler en nous, nous modeler, que nous pouvons apprendre à vivre, à orienter notre existence comme le Christ, à vivre véritablement en lui. Mais c’est aussi en participant à l’eucharistie que nous pouvons recevoir du Seigneur cette grâce et ce dynamisme du service.

Elevant avec le prêtre le corps et le sang du Christ, vous rappellerez que c’est en nous unissant au sacrifice du Christ qui donne sa vie, qui s’offre au Père et se livre pour les hommes, que nous pouvons à notre tour apprendre à donner notre vie. L’Eucharistie est pour les chrétiens la source mystérieuse et le creuset du service. Vous aurez à le rappeler, mais d’abord à le vivre ! 

Impossible de séparer l’eucharistie du lavement des pieds. Vous signifierez qu’on ne peut pas séparer l’amour de Dieu et le service du frère. Si on ne garde que la relation à Dieu, le sacrement devient un simulacre. Et si on en reste au service du frère, on oublie la source de cet amour. 

Vous signifierez à l’Eglise et au monde que le visage du Christ se révèle sur les visages de ceux qui ont faim, qui pleurent, qui souffrent de l’injustice. 

Vous partagerez le pain comme le Christ se donne. Le diacre donne l’Eucharistie qui est ce pain pour tous. Il proclame la Parole qui est le bien de tous. Ainsi, par des gestes simples, vous accomplirez bien plus qu’une fonction pratique. Vous direz à ceux qui donnent la communion que ce pain est le don du Corps livré. 

Vous direz à ceux qui lisent l’Evangile que ce livre est le Verbe offert. Vous direz que toute fonction dans la communauté signifie le Christ en personne. 

Finalement, ordonner un diacre, c’est manifester à la communauté qu’elle ne se suffit pas à elle-même, quelles que soient ses qualités humaines. La communauté, grâce à vous, grâce au Christ en vous, reçoit comme un coup de lance qui l’ouvre à l’Autre et qui l’ouvre aux autres. Comme diacres vous rappellerez à l’Eglise, à toute l’Eglise, qu’elle est une Eglise au service des plus pauvres, une Eglise diaconale. 

Vous le rappellerez à tous les fidèles, les consacrés, les prêtres, diacres et évêque. Prêtres et évêque, c’est bien comme serviteurs que nous nous sommes appelés à exercer notre ministère de pasteur. 

Vous rappellerez, à temps et contre temps, que l’Eglise n’a pas le droit de dormir, qu’elle ne peut être en paix tant qu’un homme souffre, tant qu’un homme à faim, tant qu’un homme manque de vie pour son cœur et de foi pour son être. 

Les temps sont durs aujourd’hui ! Que de gens souffrent de la solitude, de la précarité, de l’incertitude par rapport au lendemain… Combien sont marqués par la désespérance, mais sont aussi en recherche de sens, de repères pour vivre. Et notre attitude est souvent frileuse. Nous aimerions tellement nous retrouver seulement entre nous pour résoudre nos propres problèmes.

Alors, comme vos frères diacres, gardez la porte ouverte, en particulier dans vos milieux de travail, dans vos lieux de vie. Une Eglise qui arrêterait de servir, pour se servir, ne serait plus l’Eglise du Christ. Ce serait une Eglise qui s’approprierait l’Evangile qui est pour tous, pour toutes les nations. 

Comme diacres, rappelez jour après jour que Dieu a les mains trouées et qu’il ne peut rien garder pour lui. 

La grâce qui vous est donnée, c’est de rappeler que l’Evangile ne nous appartient pas, qu’il est pour tous. Il est à ceux qui n’ont rien, à ceux du dehors, à ceux qui cherchent un sens à leur vie, à ceux qui n’ont ni reconnaissance, ni amour, ni argent, ni dignité. C’est pour eux que le Christ est mort sur la croix.

Jérôme, Arnaud, Jean-Charles, Ludovic, soyez des hommes de prière, aimez Dieu de tout votre cœur, jour après jour, dans votre prière personnelle, familiale, communautaire. Soyez des hommes de l’ouverture vers Dieu. 

Soyez des hommes d’une présence, de la présence aux pauvres, de la présence de Dieu auprès de chacun. Car Dieu espère en chacun d’entre nous. 

Dieu consacre pour envoyer. C’est le mystère de l’Eglise, appelée à annoncer à tous ce trésor de la tendresse de Dieu. « Ce que vous entendez au creux de l’oreille, proclamez-le sur les toits », avons-nous entendu dans l’Evangile de ce jour. 

Chers amis, puisse l’ordination de nos quatre diacres renouveler en nous tous le goût du service et la disponibilité à servir. Amen.