Fragilité psychique et exclusion sociale : le rôle de l’Eglise
« Fragilité psychique et exclusion sociale : le rôle des communautés chrétiennes », tel était le thème d’une session organisée par le Pôle Famille et Société de la Conférence des Evêques de France. Plusieurs Valdoisiens engagés sur ce terrain y participaient. Compte rendu.
Daniel Frydman, psychiatre et membre de l’équipe nationale de la PPH, a brossé un tableau des différentes pathologies psychiques, en plantant le décor : « La maladie mentale n’est pas une maladie comme les autres. Elle éloigne du groupe social, ce qui est sa gravité majeure. Mais elle nécessite aussi l’effort du groupe social pour élaborer ce qu’on appelle une guérison ». E. Zarifian
Il a montré comment les pathologies et leur évolution conduisent, différemment, à une exclusion réciproque. Les « stratégies » de ré-inclusion ne seront pas forcément les mêmes, mais passent par une constante : essayer de conserver la relation, créer ou recréer du lien.
Dans le corps médical ou l’Eglise, le temps n’est plus de l’exclusion de toute pratique religieuse, risquant soi-disant de renforcer le délire mystique ou le sentiment de possession. De nombreux services diocésains, aumôniers hospitaliers, mouvements, accompagnent spirituellement ces personnes vers une « guérison » spirituelle, dans un mouvement vers une plus grande liberté intérieure… Revisiter son passé, pointer ce qui peut limiter notre liberté intérieure, accompagné par une personne attentive au discernement des combats spirituels, avec l’aide de la prière et de l’Esprit, peut permettre une libération profitable dans toute la vie, en Eglise et ailleurs.
De nombreux services diocésains, aumôniers hospitaliers, mouvements, accompagnent spirituellement ces personnes dans un mouvement vers une plus grande liberté intérieure…
Nicole Fabre, bibliste et aumônier protestant pour les Hospices Civils de Lyon, a proposé 3 pistes de réflexion :
- La séparation: c’est par là que Dieu crée, depuis la Genèse pour que les choses ne puissent être en confusion. D’où un risque facile d’exclusion : celui qui est dans la confusion ne peut dire Dieu. Ceux qui accompagnent savent que les personnes malades psychiques « disent Dieu » avec une facilité et une profondeur qui émerveille !
- L’intériorisation: L’Alliance nouvelle n’est plus une loi extérieure. « Je l’écrirai dans leurs cœurs », ce lieu où naissent les désirs. La séparation n’est plus extérieure, mais en nous. Nous avons à y faire du tri !
- Le retournement sur les frontières: certains sont en marge, d’autres non. Mais c’est le peuple qui est malade. Les disciples eux-mêmes ne savent pas vraiment qui est Jésus, jusqu’à le nier. Réaliser que les foules portent en elles nos propres maladies sociales et personnelles et essayer de découvrir qui est ce Dieu qui nous sauve les uns avec les autres, les uns par les autres.
Les textes bibliques pointent que Celui qui est sans cesse exclu, c’est Dieu lui-même, tel qu’il se révèle.
Sortir de l’exclusion, c’est accueillir ce Dieu qui se manifeste à contre-courant de tout ce qu’on croit et de tout ce qu’on pense ! Si, dans l’Evangile, il n’y avait pas les rencontres de Jésus avec des exclus, il ne resterait que les dialogues avec les chefs des prêtres. « L’option préférentielle pour les pauvres » n’est pas un geste caritatif. C’est essentiel, sinon on se trompe de Dieu.
Sortir de l’exclusion, c’est accueillir ce Dieu qui se manifeste à contre-courant de tout ce qu’on croit et de tout ce qu’on pense !
Christine Bockaert, responsable nationale de la PPH, a lancé un appel pressant en guise de conclusion : « Nous parlons souvent d’accompagner… mais ce terme dit une distance. Nous devons nous faire les compagnons de ces personnes en souffrance… Cessons de vouloir être des semeurs ! Il y a un seul semeur : Le Christ ! Nous avons à être des moissonneurs…, à cueillir les épis de blé pour les offrir au monde…, à mettre la lumière sur le boisseau afin qu’elle brille pour le monde… à renvoyer vers le Christ qui est notre lumière ».
Un appel en écho avec une réflexion d’une participante elle-même malade psychique : « J’attends que les communautés chrétiennes aident à créer du lien, facilitent les relations ».
Marie-Claude Lamiaud, aumônier de l’hôpital de Pontoise
Geneviève Robert, responsable diocésaine
de la pastorale des personnes handicapées
Any Tournesac, responsable de la pastorale en santé mentale.
Avril 2021
Service de la Pastorale
des personnes handicapées
Tél. : 01 30 38 34 24
Mail : handicap@catholique95.fr
Témoignage de Geneviève Robert,
Responsable de la Pastorale des personnes handicapées dans le diocèse de Pontoise.
Témoignages
JF Costes, « parent de cœur » d’enfants confiés par la protection judiciaire, affirme qu’il nous faut apprendre les codes, la « langue » de ces personnes qui nous déroutent, décoder la façon dont ils communiquent, revoir, avec d’autres, notre propre perception. Dieu est toujours Autre… L’autre, différent, nous le fait vivre au jour le jour. Dans une communauté chrétienne où on s’accueille et s’écoute, travaillons sur nos représentations, rencontrons-nous pour recomposer nos relations.
La PPH peut d’une part aider les communautés chrétiennes à inclure vraiment les personnes en situation de handicap et non à faire pour eux ! Elle peut aussi les aider à relire leur pastorale, ce qu’elles font peu. Les professionnels savent combien l’analyse des pratiques est riche d’enseignements.
Le P. Vincent Garros, prêtre diocésain associé à la Mission de France, aumônier de l’hôpital psychiatrique de Bordeaux et accompagnateur de la PPH de ce diocèse, nous livre une expérience forte d’inclusion vécue en paroisse.
Le handicap oblige à des efforts de tout instant. Aisément perçu pour le handicap moteur ou sensoriel, il l’est beaucoup moins pour le handicap psychique. Or, les relations sont affectées, pour la personne malade et pour ses proches. Jésus n’a jamais rejeté, mis à l’écart les personnes qui venaient à lui. Pour nous, disciples du Christ, le compagnonnage avec le frère ou la sœur en souffrance psychique est un signe d’Évangile vécu en vérité : écoute et compassion, dialogue et prière. Ce qui est vrai pour chaque chrétien l’est aussi pour le corps ecclésial lui-même.
Aller aux périphéries, c’est aller où l’existence trouve ses limites, où les personnes sont confrontées à l’incompréhension d’eux-mêmes et des autres, où les corps sont malmenés par les angoisses, l’incohérence des pensées, mais aussi parfois par les soins. L’institution, les structures, les paroisses, les mouvements, les paroissiens, les acteurs pastoraux, sommes confrontés à nos propres peurs devant ces « possédés » de l’Ecriture, qui nous renvoient à nos propres fragilités.
Une vraie conversion est nécessaire pour accueillir la différence. Sans se limiter à une timide insertion dans nos communautés, mais à une vraie inclusion impliquant d’être dérangés, de se modifier au contact de la personne… de se convertir !