Café-rencontre : « C’est quoi être engagé(e)? »
Régulièrement, des personnes porteuses de handicap, des proches, des accompagnants… se retrouvent pour un temps de partage et de débats dans le café du cinéma Utopia de Saint-Ouen-l’Aumône. Les échanges y sont très libres et très profonds… Prochain RDV Utopia le mercredi 19 juin 2024!
A plusieurs reprises, lors des précédentes rencontres, nous avons, les uns ou les autres, témoigné de nos activités, au sein de l’Eglise, d’association diverses. Alors, aujourd’hui, nous réfléchissons ensemble sur « c’est quoi être engagé(e) ?»
- Je me suis engagée à garder une petite fille… Les engagements, on ne peut pas toujours les tenir jusqu’au bout, pour des raisons diverses. Je cours dans tous les sens. Mais je me suis engagée à m’occuper de cette petite fille, et je tiendrai malgré tout ! Et mon ami a pris la relève face à cette petite. Quand j’ai été malade, hospitalisée, il s’est engagé spontanément. Je ne lui ai rien demandé, c’est lui qui a pris l’engagement, face à la petite et face à sa maman. Je ne peux pas lui enlever cela. C’est essentiel pour lui de l’emmener à l’école, par exemple…
Être engagé, c’est faire quelque chose, donner de notre temps, dans une association, par exemple…
Cela permet aussi de faire connaissance avec d’autres personnes.
- Être engagé, c’est faire quelque chose, donner de notre temps, dans une association, par exemple…
Cela permet aussi de faire connaissance avec d’autres personnes. - Cela peut être sur une longue durée, mais aussi sur une ou deux journées, ce sont les « bénévoles d’un jour » qui existent, par exemple, à la Croix-Rouge.
- Je suis vraiment contente depuis que je suis à la Croix-Rouge. Je m’occupe d’un monsieur âgé, c’est de l’accompagnement humain, pas pour lui faire son ménage. Mais aussi d’une dame atteinte de maladie de Charcot. Elle perd progressivement la parole. Et nous pouvons converser grâce à la reconnaissance vocale. Je lui tiens compagnie, je ne suis pas là pour les questions médicales, cela c’est pour la famille. Mais il faut faire attention à soi, ne pas en faire trop. Le 1er engagement, c’est envers soi. Tant que le Seigneur me donne la force, je fais…
- Parfois on m’appelle Mère Teresa !
- Ah, cela j’y ai eu droit aussi. Ou l’Abbé Pierre… Mais il n’y a que le surnom ! Je ne suis pas à leur niveau…
- Je préférerai travailler qu’être à la maison. Alors, je m’occupe des autres…
- C’est vraiment gratifiant de donner. Plus que de recevoir…
- On entend dire souvent qu’il n’y a plus de solidarité. Mais est-ce vraiment vrai ? Il y a tellement d’associations en France. Et beaucoup de gens qui s’y engagent…
- Ce sont parfois les mêmes qui sont engagés sur plusieurs endroits !
On entend dire souvent qu’il n’y a plus de solidarité. Mais est-ce vraiment vrai ? Il y a tellement d’associations en France. Et beaucoup de gens qui s’y engagent…
- J’ai longtemps été engagée au Secours Catholique, à l’accueil Hervé Renaudin de Pontoise. Ce sont des activités très prenantes, mais aussi très enrichissantes. Du fait des difficultés que nous avons actuellement dans la famille, je dois lâcher prise… Et cela, c’est beaucoup plus facile que de s’engager ! Être bénévole, c’est un choix, pas une obligation. Il faut être attentif au fait que c’est souvent très chronophage. Les gens de la rue, ce n’est pas une population facile. Des bénévoles ont peur, ne viennent plus, c’est trop difficile pour eux. Les bénéficiaires deviennent souvent très exigeants. Ce sont des exigences qui, moi, ne me dérangent pas. Un engagement, c’est délicat, parfois on ne sait pas trop sur quoi on tombe… Mes enfants ne m’ont jamais reproché mes engagements ; au contraire, je crois que cela leur a donné des idées !
- Mon père a longtemps été engagé au Secours Catholique, et j’ai beaucoup apprécié. Il était vraiment engagé, savait dire les choses clairement, et défendre ses idées. J’ai beaucoup d’admiration pour mon papa. Je me souviens en particulier qu’il a beaucoup participé à sortir une famille de la grande misère. Quitte à y passer des nuits. C’était une situation a priori inextricable, mais heureusement il y a eu une grande coordination avec la mairie d’Argenteuil. La façon dont mon père est intervenu pour présenter le cas à la paroisse, c’était vraiment poignant. On « voyait » ce que c’est la grande misère. Les adultes de cette famille baissaient les bras et il a fallu les stimuler à plusieurs reprises. Ils s’en sont sortis, mais il n’a rien fallu lâcher durant 2 ans… Mon père y allait franco dans ces cas-là ! Ces gens n’étaient pas des statistiques, mais des « gens vrais » qui étaient dans le besoin. Cela m’émeut encore des années après…
Mes enfants ne m’ont jamais reproché mes engagements ; au contraire, je crois que cela leur a donné des idées !
- Un engagement professionnel, c’est un engagement d’un autre ordre, mais un engagement quand même… Là, je suis engagée dans Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée (TZCLD), dans une recyclerie. J’ai participé à l’élaboration du projet. Nous avons commencé avec des ateliers, bénévoles. Cela nous obligeait à sortir de chez nous, de l’isolement. Ce n’était pas toujours simple, mais l’ambiance était telle que c’était très stimulant. Il y a 10 ans que j’ai arrêté de travailler, par choix, et par obligation du fait de la situation familiale. Avec TZCLD, il y aura aussi d’autres secteurs d’activité dans l’entreprise. Il m’a fallu du temps pour me résoudre à entrer dans ce projet. Mais quand j’ai vu l’ambiance, j’ai plongé. C’est un engagement professionnel, très simple, pour du temps partiel, si on veut… Cela a commencé en 2019, s’est arrêté à cause de la covid, mais cela a repris. Tous les employés, ce sont des gens avec des parcours cabossés et de tout âge. Des gens de 60 ans, des gens en situation de handicap, vont pouvoir retravailler. Chacun a des raisons pour avoir été longtemps au chômage… et pour retravailler maintenant ! Il y a eu beaucoup d’obstacles, et il faut vraiment saluer l’engagement de ceux qui ont porté ce projet ! On est mort de trouille, mais on y va ! Il y a plus de 60 TZCLD en France maintenant. Ceux qui sont plus jeunes, on espère que cela va les motiver pour travailler. Cela donne droit à des formations. Il y a beaucoup d’accompagnement pour des gens qui sont formés pour. Ils sont vraiment impliqués. Dans les ateliers, on a une séance avec un conteur. Nous lui avons raconté nos parcours de vie, ce qui nous a conduits à TZCLD. En écoutant les autres, les galères qu’ils ont traversées… je ne me rendais pas compte des difficultés pour avoir des papiers par ex… On se livre et c’est touchant !
- Il faut vraiment avoir un grand sens de l’autre pour travailler dans une telle entreprise !
Être marié, c’est un engagement… Mais pour beaucoup de jeunes, c’est inimaginable !
- Mais y a-t-il des engagements que l’on pourrait qualifier de plus « primaires » ? Avoir des enfants par exemple ?
- Être marié, c’est un engagement… Mais pour beaucoup de jeunes, c’est inimaginable !
- Oui, et ils n’ont pas envie d’avoir d’enfants… par peur de l’avenir, du dérèglement climatique, du chômage, des guerres…
- Le mariage n’apporte rien ? Le mariage civil, on peut l’entendre ; mais s’il y a une démarche religieuse, c’est autre chose. Mais parfois, il y a un réel engagement dans le mariage civil ! Une de nos nièces était mariée civilement, et le jeune couple aurait voulu un mariage religieux. Notre nièce a un parcours catholique « classique » ; son conjoint est baptisé mais n’a pas reçu d’enseignement religieux, et ne sait pas vraiment que croire. Pourtant, quand ils sont allés voir le prêtre, il a eu l’honnêteté de dire qu’il ne pourrait pas dire la profession de foi catholique, car il ne croit pas en cela. Alors, ils ont monté une cérémonie de toutes pièces. Avec leurs témoins, ils ont choisi 4 valeurs sur lesquelles ils voulaient fonder leur vie de couple, ils en ont discuté. Chaque témoin devait présenter une des valeurs, avec un texte de sa composition, montrant comment ce jeune couple leur paraissait déjà incarner celle-ci, et un texte de la littérature ou un chant qui collait avec… C’était absolument magnifique ! Et pour moi, un « sacramental » qui m’a paru avoir plus de valeur que le mariage catholique de notre fille, qui avait seulement envie de quelque chose de plus solennel que le passage à la mairie !
- Pour mon époux et moi, le mariage, c’est pour le meilleur et pour le pire. Mais même dans une union sans mariage, on est engagé l’un envers l’autre… Je lui ai dit « oui » une fois pour toute et je tiendrai !
Pour mon époux et moi, le mariage, c’est pour le meilleur et pour le pire. Mais même dans une union sans mariage, on est engagé l’un envers l’autre…
- Notre neveu ne voulait pas se marier, mais ils ont acheté un appartement ensemble… et ils ont eu deux filles… Je me suis permis de lui demander s’il ne pensait pas que c’étaient des engagements !
- Et être baptisé, est-ce que c’est un engagement ?
- De mon temps, on, était baptisé bébé… Parfois pour des raisons qui n’étaient pas très catholiques ! Et tous n’en faisaient pas le même usage de leur baptême !
- Les choses sont différentes, en effet, pour ceux qui ont été baptisés bébés, et pour ceux qui demandent le baptême à l’âge adolescent ou adulte. Ceux qui ont été baptisés bébés, ils n’ont rien demandé, et parfois, ils ne sont pas d’accord avec ce qui leur a été imposé par leurs parents. A tel point que certains font des demandes pour être « débaptisé »…
- « Débaptisé » ? ce n’est pas possible cela, c’est pour la vie, le baptême !
- Oui, pour les Eglises, c’est pour la vie. Et l’Eglise catholique refusait d’effacer totalement l’acte de baptême, il y avait simplement une notification de la demande de la personne. Je crois qu’il y a eu une requête judiciaire pour qu’elle efface purement et simplement l’acte.
- Ah, je ne savais pas. Cela m’effare !
- Et alors, y a-t-il un engagement dans le fait d’être chrétien ?
Vivre selon les valeurs de l’Evangile.
Témoigner de l’Amour et de l’existence de Dieu
C’est un art de vivre sans paroles…
Mon ami a arrêté de boire… C’est un homme qui a eu une enfance pas heureuse. Et à l’âge adulte, il s’est retrouvé à la rue. C’est ainsi qu’avec mon compagnon, nous l’avons accueilli à la maison. Cela aussi, c’était un engagement !
Mon ami a arrêté de boire… C’est un homme qui a eu une enfance pas heureuse. Et à l’âge adulte, il s’est retrouvé à la rue. C’est ainsi qu’avec mon compagnon, nous l’avons accueilli à la maison. Cela aussi, c’était un engagement !
- Dieu nous aime trop !
- Trop ? On n’aime jamais trop ! On n’est pas « obligé » d’aller à la messe, cela ne veut pas dire qu’on est éloigné de Lui. On peut prier, c’est efficace, cela fait du bien.
- La prière, c’est efficace. Mon ami a arrêté de boire, parce que je lui ai mis le marché entre les mains ! C’est un homme qui a eu une enfance pas heureuse. Et à l’âge adulte, il s’est retrouvé à la rue. C’est ainsi qu’avec mon compagnon, nous l’avons accueilli à la maison. Cela aussi, c’était un engagement ! D’autant que mon compagnon buvait lui aussi ! Mais j’ai prié…
- Notre Dieu est miséricorde… Il fait des merveilles.
- Il est vivant et Il fait beaucoup pour nous.
- Témoigner c’est parfois aussi sans parole… Quand je suis au GEM (Groupe d’entraide mutuelle), normalement on ne parle ni politique ni religion. Mais la plupart des gens savent que je suis chrétienne, et il arrive qu’ils me questionnent sur la Foi. Mais surtout, quand une jeune femme met sa main sur mon épaule et me dit « heureusement qu’il y a des gens comme toi pour être avec nous », je sais que je suis là où Dieu m’attend, et je pense que, même si eux ne le reconnaissent pas forcément, j’ai été témoin de l’Amour de Dieu pour les plus vulnérables… Je ne peux pas dire si j’agirais de la même façon si je n’étais pas chrétienne… je suis comme Obélix : je suis tombée dedans quand j’étais petite !
- Tout le monde n’est pas engagé de la même façon. Un de mes cousins a été ordonné diacre récemment… C’est un engagement très fort ; qui implique toute la famille.
- C’est un engagement commun, seul l’époux est ordonné, mais l’épouse suit la même formation. Et, je crois, les enfants doivent donner leur accord…
- Le conjoint peut soutenir, mais aussi être « garde-fou » face à un engagement aussi prenant.
Je ne peux pas dire si j’agirais de la même façon si je n’étais pas chrétienne… je suis comme Obélix : je suis tombée dedans quand j’étais petite !
Note de la rédaction : au moment du paiement, le responsable du café dit qu’il a entendu notre échange sur le « débaptême ». Et témoigne qu’il s’est un peu éloigné de la religion, mais y ait cependant attaché. Il s’est accroché avec des potes qui s’énervaient parce qu’ils voulaient être absolument « débaptisés » et totalement rayés des registres catholiques. Ce à quoi il leur a fait remarquer que ce n’était pas très cohérent… Car ils dépensent beaucoup d’énergies pour quelque chose dont, au fond, ils se moquent totalement !
Nos échanges ont donc peut-être aussi une dimension missionnaire…
Recueilli par Any Tournesac
Juin 2024
Café rencontre :
Cécile Lavernhe
cecilelavernhe4@gmail.com
Et si vous nous rejoigniez ?
Ces rencontres au café sont ouvertes à tous : personnes en situation de handicap, quel qu’il soit, accompagnateurs familiaux, professionnels, ecclésiaux.. ou simples paroissiens intéressés par cette problématique du handicap…
Dernière date avant l’été 2024 :
Mercredi 19 Juin de 15h à 17h
Au café du cinéma UTOPIA de Saint-Ouen l’Aumône