Xavier et Luc, diacres
pour le Val-d’Oise

Un arbre qui se déracine et va se planter dans la mer, ce n’est pas sérieux ! Les auditeurs de Jésus devaient sourire ! Et nous aussi peut-être, nous haussons les épaules devant quelque chose d’aussi farfelu !

L’arbre, chers amis, c’est chacun de nous, quand on ose sortir de soi, quand on accepte de s’affranchir de ses préjugés et de ses peurs, quand on veut bien se déraciner de son petit monde à soi pour entrer dans le vaste océan du monde des autres, quand on veut bien faire un pas vers l’autre, vers celui qui n’est pas moi, qui ne pense pas comme moi, qui ne prie pas comme moi, qui n’aime pas comme moi.

La mission du diacre se profile déjà : « Déracine-toi et va te planter dans la mer », c’est une autre façon de dire : « Ose la rencontre de ton frère ! » Et il faut la foi pour cela. C’est quoi, la foi ? La foi, c’est la confiance, tout simplement.

Cette confiance que se promettent deux personnes qui s’aiment, cette confiance du malade en son médecin, cette relation profonde d’un homme, d’une femme, avec son Dieu, cette confiance qui vous habitent, Luc et Nathalie, Xavier et Fabienne.

« Augmente en nous la foi », disent les apôtres. Cela veut dire : augmente notre confiance en Dieu, dans les autres, en nous-mêmes. Combien, souvent, sommes-nous enracinés dans la méfiance vis-à-vis des autres, empêtrés dans des relations de violence, de dispute, de discorde, comme les décrit le prophète Habacuc.

Seigneur, tu ne ferais rien devant tout cela, qui me détruit, m’angoisse et me défigure ? La réponse de Dieu, pour nous chrétiens, c’est Jésus crucifié. Au matin de Pâques, le grand arbre de la croix s’arrache à l’emprise de la mort pour aller se planter dans les eaux de la vie.

Chers amis, c’est par la force vivifiante de l’arbre de la croix du Christ que nous sommes arrachés à jamais des terres stériles de l’amertume, de la rancœur et de la peur, pour devenir des êtres libres.

Aller se planter dans la mer, c’est finalement cela, c’est être libre. Suffisamment libre pour se faire proche de tous, s’émerveiller de tout, pour servir, pour aimer. Libre car se sachant aimé de Dieu. Alors, nous pouvons dire, comme nous l’avons entendu à la fin de l’Evangile : « Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir. »

Luc et Xavier, c’est ce verset que vous avez inscrit en dernière page des livrets pour cette célébration. C’est la mission essentielle que reçoivent les disciples du Christ, c’est la mission des diacres.

Que de chemin parcouru depuis votre interpellation, voici cinq ans ! Vous me l’avez confié tous les deux.

Xavier, tu me l’as écrit : « Cheminement à la fois personnel et en couple. Je me sens prêt aujourd’hui à cette ordination et prêt à répondre une nouvelle fois ‘me voici’ à l’appel du Seigneur. »

Luc, je reprends aussi tes propres mots : « Chemin de formation, chemin d’approfondissement de la prière, chemin renouvelé par l’Esprit à l’œuvre, chemin de découvertes, chemin de rencontres, chemin de joie dans le discernement vers le diaconat. »

Le ministère diaconal porte une fonction principale dans la mission de l’Eglise : incarner sacramentellement la figure du Christ serviteur. Dans la mission pastorale de l’Eglise, le service n’est pas une fonction secondaire et adjacente. C’est un élément central de la mission de l’Eglise : annoncer la miséricorde de Dieu.

Comment annoncer la miséricorde de Dieu si nous ne pouvons pas nous mettre au service de nos frères, si nous ne pouvons pas manifester concrètement cet amour et cette tendresse de Dieu pour l’humanité à travers des gestes humains de service, de solidarité, d’amour, de prière ?

C’est la priorité du ministère diaconal qui n’est pas distraite par sa fonction liturgique, car l’annonce de la Parole et le service de l’autel sont des dimensions constitutives du service de l’Eglise. Ce ministère liturgique du partage de la parole de Dieu et du pain de vie, si modeste soit-il, met en valeur que l’achèvement de l’acte pastoral de l’Eglise est de nourrir les hommes de la parole du Christ et de son pain venu du ciel.

Aussi, frères et sœurs, au moment de célébrer cette ordination, nous nous retournons vers la vie de notre Eglise, vers les appels auxquels elle est confrontée par les circonstances du temps, vers les nouvelles relations qui se développent dans notre société en fonction de l’évolution des mœurs et des cultures.  

De plus en plus, notre source de force, notre source de paix est méconnue ou ignorée. Notre première mission, c’est donc de lui donner une figure visible.  Comment ?

A travers la manière dont nous entrons en relation, en conversation, en proximité, avec les hommes et les femmes qui nous entourent et en donnant le sens de cette figure visible par l’annonce de la Parole qui en est la source.

C’est la raison pour laquelle j’insiste fortement sur la création et le développement de petites fraternités paroissiales missionnaires dans lesquelles j’appelle les diacres à s’investir. Notre défi, c’est de bâtir une Eglise de proximité, une Eglise qui se rend proche de ceux qui sont loin, avec une attention particulière aux plus fragiles, aux personnes qui se sentent en marge.

Chers amis, en imposant les mains à Luc et Xavier, je suis heureux d’accroître la capacité apostolique, la capacité missionnaire, de notre Eglise.

Chers Luc et Xavier, je compte sur vous pour publier les merveilles de Dieu, comme au jour de la Pentecôte. Annoncez Jésus Sauveur. Annoncez-le aux plus petits, aux plus pauvres, à tous, comme le Chemin, la Vérité et la Vie. Annoncez-le à temps et à contretemps, dans la force de l’Esprit !

Annoncez-le dans la langue de ceux qui ne le connaissent pas, par l’exemple de vos vies et par la parole, dans la culture de nos contemporains, dans vos milieux professionnels, dans vos familles, là où l’Eglise vous envoie.

Merci d’accepter cette charge au service de vos frères. Et si vous ne vous sentez pas à la hauteur, c’est bon signe ! N’ayez crainte, l’Esprit Saint vous soutiendra, il vous éclairera. Amen.