Marie-Claude,
aumônier d’hôpital
Marie-Claude Lamiaud est l’aumônier de l’hôpital de Pontoise. Porteuse d’un handicap visuel, elle témoignage de sa vie professionnelle. (Extrait du « Journal du Handicap » sur le thème : « Quel est ton rêve ? »)
Quel est ton rêve ? Voilà d’un coup une question qui me plonge dans un « éveil paradoxal ».
Question rare et audacieuse. En ce qui me concerne, c’est dans un grand hôpital, comme aumônier. Je fais partie du personnel hospitalier mais ce n’est pas évident pour tout le monde… alors que dire de travailleuse handicapée visuelle?
Mon rêve serait que le quotidien au travail ne surajoute pas du stress à une réalité déjà complexe. Ma vie, comme celle de très nombreuses personnes en situation de handicap, est toujours dans l’effort et la pression pour être une travailleuse à part entière. Il me tient vraiment à cœur que mon problème visuel soit le moins gênant possible, ça implique de beaucoup anticiper, de beaucoup s’adapter, d’apprendre par cœur des textes, des trajets pour être dans les mêmes temps que les autres. C’est un dépassement de soi permanent. Par exemple lire et travailler un document me demande beaucoup de temps et d’énergie. Je ne vous parle pas du classement et du tri de papiers : rien ne ressemble plus à un papier qu’un autre papier…
« Mon rêve : qu’une vie plus « légère »
au travail ne soit plus du luxe ! »
Me déplacer sans jamais pouvoir lire ce qui est affiché est un autre problème : les numéros sur les portes de chambres, les pancartes qui indiquent les noms des services (surtout dans un établissement où ça change tout le temps) l’affichage d’informations…le pire étant de ne pas reconnaître les visages ! Combien de personnes ai-je blessées ?
Centre hospitalier de Pontoise
Bon, mais j’ai la consolation de me dire que la nature humaine nous rend adaptables, alors, comme beaucoup d’entre nous, j’ai développé des stratégies pour compenser au mieux et je peux compter bien sûr, sur quelques personnes au courant qui sont toujours bienveillantes et secourables, de vrais « anges gardiens » dans mon parcours! Mon mari et nos enfants (et aussi quelques fois la voisine qui m’emmène à l’hôpital pour une urgence) me soutiennent chacun à sa façon. Car le plus grand paradoxe réside dans le fait que mon handicap « ne se voit pas » ça existe, c’est là et ça ne se voit pas.
Je reviens plus concrètement à la question posée plus haut : je dirais que ne pas avoir à se battre pour les aides techniques, accéder plus souvent à des formations pour du matériel adapté, bref avoir une vie plus «légère » au travail n’est pas un luxe. Rien ne peut réellement compenser le handicap mais permettre moins de fatigue et de stress serait juste normal.
Une pensée pour conclure, pour tous ceux qui n’ont même pas accès au monde du travail à cause de leur handicap. Aucun rêve n’est jamais vain et j’ose espérer qu’un jour ce sera une injustice de moins !
Marie-Claude Lamiaud
Mai 2021
« Sacrée histoires, histoires sacrées » :
le journal du handicap
Numéro de mai 2021 du Journal du Handicap