Le journal du handicap

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Éditorial, par Paule de Lastic,
déléguée à la Pastorale de la santé

Chaque année, au moment des vacances de printemps a lieu le pèlerinage diocésain à Lourdes. Jeunes, adultes valides, malades et hospitaliers se retrouvent pour 5 jours de prière, de rencontre, de communion, dans une belle inclusion.

Lourdes, c’est d’abord la Vierge Marie, « la Dame », qui apparaît, d’abord silencieusement, puis qui discute avec Bernadette ; une rencontre improbable entre la reine du ciel et une gamine de rien du tout, misérable, dont le père fera même un séjour en prison. Et c’est bien cette rencontre que chaque pèlerin vient y faire, aussi indigne qu’il s’en sente lui-même, et quoi que lui en dise le regard des autres sur ses infirmités, ses difficultés d’expression, ses limites particulières, nous en avons tous ! Lourdes c’est « la Dame » qui dit à Bernadette : « Voulez-vous me faire la grâce de venir ici pendant quinze jours ? » Un voussoiement que Bernadette n’a jamais entendu auparavant s’adresser à elle et qui lui révèle qu’elle est une personne digne d’être courtoisement sollicitée. Et c’est cette même attention, ce même respect qui est nécessaire envers le malade dont on s’occupe, qui dépend de nous pour tous les gestes du quotidien, des plus simples au plus intimes qui, sans cette courtoisie, ni ce respect, deviennent très facilement dégradants. Et ce sont ces mêmes malades, à qui, nous hospitaliers, nous croyons tout apporter qui, tout à coup, nous enseignent, élargissent notre regard, notre compréhension du monde et se font médiateurs de notre propre rencontre avec « la Dame » et Celui qui l’envoie.

Lourdes, ce sont aussi ces demandes déplacées de « la Dame » à Bernadette : de se laver, de boire l’eau vaseuse qui commence à couler, de manger l’herbe qui pousse à côté : « Sais-tu qu’on te croit folle de faire des choses pareilles ? » dit la foule à Bernadette à la fin de l’apparition. Et pourtant, comment ne pas penser à Ezekiel 47, 9 : « … car cette eau assainit tout ce qu’elle pénètre. » Et, un peu plus loin : « Les fruits seront une nourriture, et les feuilles un remède. » Oui, le regard et les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées et nous venons tous à Lourdes, consciemment ou non, pour être sanctifiés, guéris, relevés et sauvés comme le dit la parole sacramentelle de l’onction des malades que plusieurs dizaines de pèlerins ont reçue.

Lourdes enfin, c’est, dès la quinzième apparition, déjà près de 8000 personnes qui accompagnent Bernadette à la grotte, avant la construction de la basilique, avant la fondation du sanctuaire. C’est le peuple de Dieu qui se met en marche et obéit, sans doute sans le savoir à ce moment-là, à la demande de « la Dame » : « Allez dire aux prêtres qu’on vienne ici en procession », et c’est ce que les pélerins font pendant 5 jours, année après année.

Par la suite, c’est vers les malades, les infirmes et les plus pauvres que Bernadette aimait se tourner et c’est à son exemple que l’on vit ce pèlerinage. Quelle joie de voir ces jeunes et moins jeunes pousser avec bonne volonté les fauteuils roulants, se pencher vers le malade pour lui dire un mot, remonter une couverture qui glisse ; des gestes tout simples qui disent l’infinie dignité de chacun, qui rend fiers ceux qui les font, heureux ceux qui les reçoivent, et donnent du bonheur des deux côtés.
Nous étions 393 cette année, et j’ai pu constater combien cette semaine hors du temps et du cadre limité de leur vie quotidienne rendait heureux les les malades et personnes porteuses de handicaps qui y participent. Alors pourquoi ne pas se fixer deux objectifs simples pour cette année et la session prochaine : Proposer aux malades et aux personnes porteuses de handicap de participer à d’autres événements diocésains pour les sortir de leur enfermement et servir l’inclusion et la communion fraternelle, et proposer ce moment privilégié plus largement autour de nous, en ayant le souci en même temps de trouver les accompagnateurs nécessaires en fonction des pathologies en présence. Nous pourrons alors leur dire en vérité « Le règne de Dieu s’est approché de vous. » Luc 10, 9. n