Messe d’action de grâce
à Pontoise
Mercredi 3 juillet 2024, une dernière messe d’action de grâce a été célébrée à la cathédrale Saint-Maclou de Pontoise pour remercier Mgr Stanislas Lalanne pour les 11 ans au service du diocèse. Lire son homélie.
Homélie de Stanislas Lalanne
A Pontoise
Mercredi 3 juillet 2024
Le passage d’Evangile que nous venons d’entendre nous relate l’expérience fondatrice des disciples. Expérience fondée sur leur rencontre du Ressuscité marqué par les plaies ouvertes de sa passion.
Thomas en fait l’expérience personnelle dans cette rencontre qui aboutit à cette profession de foi aussi forte que concise : « Mon Seigneur et mon Dieu. »
Petit clin d’œil du Seigneur car c’est le même Evangile que lors de mon installation comme évêque le 6 avril 2013 ! Certains d’entre vous m’ont dit récemment qu’ils avaient retenu une chose de cette homélie, moi pas !
Contrairement à beaucoup des proches de Jésus, contrairement à beaucoup de nos contemporains, ce que demande Thomas, ce n’est pas la preuve de la divinité de Jésus, mais la preuve de son humanité.
C’est vrai mais il nous faut aussi avoir beaucoup de reconnaissance envers Thomas ! Car, s’il n’avait pas été là, il manquerait quelque chose à cette merveilleuse histoire de résurrection, tellement belle que les hommes ont du mal à y croire.
Que manquerait-il ? Il y manquerait quelqu’un, quelqu’un qui nous représenterait :
- quelqu’un en qui nous puissions nous reconnaître.
- quelqu’un de « normal » : je veux dire quelqu’un qui n’arrive pas à y croire, qui réclame des preuves.
- quelqu’un qui n’a pas peur de mettre les pieds dans le plat !
Ce n’est pas pour rien que son nom signifie « jumeau » tant il semble le contemporain de beaucoup de nos questions, mais aussi de nos cheminements de foi.
D’abord, il rate le rendez-vous précédent. L’Evangile nous dit que, le premier jour de la semaine, Jésus est apparu aux disciples en déverrouillant les portes et les cœurs de ceux qui étaient tenaillés par la peur. « La paix soit avec vous », leur dit-il par trois fois. Non pas un souhait, mais un don réel.
Mais Thomas était absent. Et lorsque les disciples lui racontent leur rencontre avec le Christ ressuscité, il demande des preuves. Combien d’hommes et de femmes aujourd’hui ne sont-ils pas dans la situation de Thomas ? Combien en ai-je rencontré depuis mon arrivée à Pontoise !
Nous cherchons des preuves pour ne pas apparaître comme des naïfs ! Mais nous passons à côté des signes et des témoignages sur notre route qui font appel à notre libre adhésion et une compréhension plus profonde de la réalité et des événements.
Combien en ai-je reçus durant ces années de ministère avec vous ! Me reviennent à la mémoire tant et tant de rencontres personnelles, de célébrations, de messes chrismales, de pèlerinages.
Je pense aussi aux appels décisifs, aux confirmations, à la Grande Assemblée de la Pentecôte 2018, aux ordinations de 13 diacres et 9 prêtres, aux professions religieuses, aux consécrations dans l’Ordre des Vierges. Je pense aux « puits de la Parole », aux petites fraternités missionnaires…
Je pourrais témoigner devant vous de milliers de catéchumènes, de confirmands, jeunes et adultes, qui m’ont invité si souvent à l’action de grâce. Leurs lettres personnelles ont été pour moi des signes forts de la présence du Ressuscité dans leurs vies !
Je reviens à notre ami Thomas. Il veut des preuves. Il doute. Mais le doute n’est pas nécessairement le contraire de la foi. La foi est souvent un doute surmonté.
Je ne parle pas ici du doute systématique, voire idéologique, qui transforme le doute en dogme ! Je ne parle pas du doute qui se fait soupçon. Mais dans un monde marqué par tant de fanatismes et d’intégrismes, de sachants en tous genres… le doute, bien compris, peut devenir le rempart contre une foi qui ne serait que crédulité et contre une religion qui ne serait qu’une secte !
Il nous faut maintenir ces espaces de liberté où le questionnement devient chemin de liberté, voire cheminement de foi.
C’est ainsi que nous sommes des chercheurs de Dieu, non pas des blocs de certitude, en dialogue avec ceux qui partagent notre foi chrétienne mais également ceux confessant d’autres religions ! Le contraire de la foi finalement, ce n’est pas d’abord le doute, c’est la peur !
Et puis vient la rencontre du Christ ressuscité. Il répond à la demande de Thomas et l’invite à mettre ses mains dans ses plaies. Non par sur les cicatrices, mais dans les plaies. Pourquoi ? Tout simplement parce que le Christ ressuscité invite Thomas à pénétrer au plus profond de l’humanité de Jésus, jusqu’en sa souffrance.
L’Evangile ne dit même pas que Thomas a mis ses mains dans les plaies de Jésus. La reconnaissance de la présence du Christ a fait tomber toutes ses revendications de preuves.
« Mon Seigneur et mon Dieu. » Cette profession de foi permettra à Jésus de nous donner une neuvième et dernière béatitude : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »
Nous voici invités à entrer dans le mystère,
- là où l’invisible se fait plus réel que le visible,
- là où le désenchantement peut faire place à l’émerveillement,
- là où le doute s’ouvre à la confiance.
Belle figure que celle de Thomas ! Ce beau témoin de la foi et de la confiance qui nous montre le chemin en ces temps incertains et tourmentés…
Alors, permettez-moi pour conclure cette homélie, la dernière dans la cathédrale comme votre pasteur, d’évoquer la mission des chrétiens en Val-d’Oise.
Ce ne sont pas de nos qualités, nos talents, ni même nos convictions que nous sommes les témoins. C’est du Christ ressuscité et de la vie de son Esprit en ce monde.
Ce n’est pas notre valeur morale que nous annonçons, c’est la bonne nouvelle du Salut. Comme les apôtres, avec le peuple de Dieu tout entier, nous sommes sollicités aujourd’hui encore plus pour dire qui est le Christ, qui il est pour nous, qui il est pour chaque homme et chaque femme de notre temps.
Notre véritable réponse aux questions de ce monde n’est pas dans une stratégie de communication, elle est ici ce soir, dans cette cathédrale, sur son parvis et sur tous les parvis du Val-d’Oise !
C’est l’Eglise toujours vivante malgré ses faiblesses et ses blessures, c’est l’Eglise fondée sur le Christ, animée par son Esprit, c’est l’Eglise sans cesse en croissance et en mouvement – je pense en particulier à tous ces jeunes, aux pèlerinages à Taizé, à Lisieux, au FRAT, aux JMJ –, c’est l’Eglise mobilisée et passionnée par l’annonce du Christ.
Ce sont les chrétiens, toutes confessions confondues, qui témoignent du Christ dans les villes et villages du Val-d’Oise et dans tous les domaines de leur vie : famille, travail, loisirs…
Ce sont ces mêmes chrétiens qui se rassemblent chaque dimanche pour proclamer la foi de l’Eglise, recevoir la Parole de vérité et le Pain de vie. Ces assemblées paroissiales si variées et bigarrées par les différentes nationalités et les différentes cultures de ceux qui s’y retrouvent comme les membres d’une même famille.
Je rends grâce pour ces communautés qui essaient, semaine après semaine, de témoigner dans ce monde que la diversité sociale n’est pas un danger, pas plus que la diversité raciale ou culturelle, comme certains voudraient nous le faire penser ! J’ai expérimenté avec bonheur que ces diversités étaient des richesses précieuses.
Je rends grâce pour tous ces chrétiens qui sont une puissante force de transformation de notre monde et de notre société. Par leur manière de vivre, leur persévérance dans les difficultés, leur espérance dans les possibilités de rendre ce monde meilleur, ils sont une référence et un soutien pour toute notre société.
Vous le savez, ce n’est pas sur nos forces que nous pouvons compter mais sur la force de Dieu. On a pu enchaîner Pierre et traduire Paul en jugement. On ne peut pas enchaîner la Parole de Dieu.
Alors, chers amis, appuyez-vous sur la grâce de Dieu pour conduire votre vie et votre action. Et que la joie habite vos cœurs. Amen.
Photos : François-Xavier Diakité et Jean-Michel Fehrenbach
5 juillet 2024
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
(Jn 20, 24-49)
L’un des Douze, Thomas (dont le nom signifie : Jumeau), n’était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l’endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »
Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux.
Il dit : « La paix soit avec vous ! » Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. »
Thomas lui dit alors :« Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »
Source : AELF
Image : Evangile et peinture