Vivre le « sacrement du frère »

Plus de 80 pèlerins du Val-d’Oise, jeunes et moins jeunes, ont reçu l’onction des malades ce 28 avril 2023 à Lourdes. Une célébration intense de joie et d’émotion. Lire l’homélie de Mgr Stanislas Lalanne.

Chers amis, je trouve que le titre souvent donné à ce récit – Le jugement dernier – induit en erreur sur l’interprétation de ce texte.

En effet, cette description du Jugement final ne concerne pas seulement un avenir lointain. Elle retourne les cartes de l’histoire présente.

Ce récit est important car il constitue comme l’ultime testament de l’Evangile. Jésus s’identifie lui-même aux êtres en détresse, aux pauvres. Il ne faut donc pas édulcorer la force du message ! Le pauvre, dans son dénuement, est visage du Christ.

Finalement, le plus court chemin pour aller au Christ, c’est le détour par l’autre. La proximité du Christ est la proximité de nos frères en détresse…

Cela signifie que le salut se joue dans les actes les plus élémentaires de la vie quotidienne, dans les relations humaines qui se tissent ou se déchirent.

Cela signifie que l’éternité est engagée dans l’instant, comme le Christ l’est en tout amour. Et si l’Evangile n’a pas dessiné les traits de Jésus, c’est peut-être pour que nous puissions le chercher et le déchiffrer en tout visage d’homme. 

On pourrait dire que le Christ est « le sans-visage de tous les visages ».

Il y a un lien fort entre l’eucharistie et la charité, qui est pour ainsi dire elle-même eucharistique, c’est-à-dire mouvement d’offrande, de don d’un amour gratuit pour l’autre.

Le chrétien qui participe à l’eucharistie le dimanche est appelé un chrétien pratiquant. Mais il s’agit de s’interroger tout autant sur sa pratique du frère.

Si l’eucharistie est le sacrement de l’Amour, ce que j’ose appeler « le sacrement du frère » n’est pas moins ce sacrement de l’Amour.

Le Christ est réellement présent dans le visage du frère : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. »

Il y a un lien fort entre l’eucharistie et la charité, qui est pour ainsi dire elle-même eucharistique, c’est-à-dire mouvement d’offrande, de don d’un amour gratuit pour l’autre.

Et cela nous renvoie à la triple action évangélisatrice de l’Eglise qui exprime sa nature : l’annonce de la Parole de Dieu, la célébration des sacrements, le service de la charité.

Le visage du frère, en particulier le plus fragile, est comme une révélation de l’amour de Dieu, un relais de la Parole qui nous atteint et nous bouscule.

Le sacrement du frère, il n’est pas un huitième sacrement à côté des sept sacrements. Le « sacrement du frère » est donc cette expression s’appliquant au visage du frère : « Le chrétien aime Dieu à travers son frère en humanité », disait un grand théologien. Je trouve cette expression belle et significative.

Le visage du frère, en particulier le plus fragile, est comme une révélation de l’amour de Dieu, un relais de la Parole qui nous atteint et nous bouscule.

La foi révèle ce qui est engagé dans tout acte de charité, dans le service du frère : une relation qui n’est pas seulement humaine mais qui atteint Dieu « en personne » par la personne de son Fils Jésus.

Et donc, l’amour de Dieu doit constamment s’attester dans l’amour du frère. Cet amour de Dieu vient à la visibilité dans l’amour fraternel.

Saint Jean le dit avec force : « Quiconque aime est né de Dieu et parvient à la connaissance de Dieu » (1 Jn 4, 7).

Nous sommes bien au-delà des questions confessionnelles, des questions d’appartenance ou non à la foi chrétienne.

La figure du pauvre doit nous hanter. Elle est le lieu de discernement par excellence. Tout ce que nous disons de l’eucharistie, de l’évangélisation, de l’attitude résolument missionnaire et du frère n’a de sens que dans la fraternité réelle avec lui.

Le texte de Jean fait une confiance extraordinaire à la capacité sacramentelle de l’amour humain. Il ne peut pas ne pas conduire à Dieu, ne pas instiller l’expérience du Tout-Autre.

Saint Augustin dira de façon aussi directe : « Tu vois la Trinité quand tu vois la charité. » Puisque Dieu est amour, quiconque aime l’amour découvre Dieu.

Un moine et théologien au 7e siècle, l’exprimait en perspective orientale : « La charité est l’icône de Dieu. En elle, Dieu se rend visible à nos yeux. »

Le visage humain « réfléchit » donc, comme un miroir, à la fois fidèle et déformant, la face de Dieu. Nous pouvons attester que le Seigneur écrit bien sur le parchemin de nos visages ! Un chrétien ne peut donc pas avoir un regard divergent.

Si nos yeux sont fixés sur le Christ, dans sa Parole, dans la prière et la célébration des sacrements, alors ils doivent l’être aussi sur ceux qui ont faim et soif, qui sont étrangers, nus, malades ou en prison, car c’est en eux qu’il se rend visible.

Chers amis, la figure du pauvre doit nous hanter. Elle est le lieu de discernement par excellence. Tout ce que nous disons de l’eucharistie, de l’évangélisation, de l’attitude résolument missionnaire et du frère n’a de sens que dans la fraternité réelle avec lui.

Oui, laissons-nous saisir par la charité. Elle est le cœur même de Dieu. Et l’onction des malades que nous allons célébrer en est une magnifique attestation. Amen.

Mgr Stanislas Lalanne
28 avril 2023

 
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« Le jugement dernier »
Matthieu 25, 31-46

Introduction à l’onction des malade

Le Seigneur nous a fait un cadeau : le sacrement de l’onction des malades que nous pouvons aussi appeler le sacrement de la tendresse de Dieu.

Ce sacrement donne la force de ne pas désespérer, la force d’aimer, la force de vivre. Il donne la joie de l’appel à la mission. J’entends deux appels :

Le premier appel touche chacun de nous. L’attitude du Christ à l’égard des personnes malades est un appel pour nos communautés chrétiennes, afin qu’elles soient attentives aux personnes malades.

Vous avez entendu cette phrase de saint Paul dans la première lecture : « Si un membre souffre, tous les membres partagent ses souffrances. »

Appel à être témoin de l’amour du Christ pour nos frères, à en prendre soin, à vivre en communion avec eux…

Le second appel : que l’attitude du Christ à l’égard des personnes malades nous donne confiance pour vivre en sa présence nos propres blessures, nos fragilités, nos vulnérabilités, nos manques et nos épreuves.

Alors, célébrons maintenant ce sacrement de l’onction des malades, avec deux gestes tout simples :

  • l’imposition des mains, geste qui appelle la venue et la force de l’Esprit Saint et qui se fait en silence ;
  • l’onction avec l’huile des malades bénite lors de la messe chrismale. Onction sur le front et les mains, accompagnée d’une brève prière demandant au Seigneur le réconfort par la grâce de l’Esprit Saint.

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